Les enfants sorciers, en Afrique

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Une exhortation écrite par Yannick NILA

Si dans certains pays, traiter un enfant de sorcier peut paraître anodin, pour d’autres, ces accusations ont des conséquences dramatiques. En Afrique, où la sorcellerie est combattue férocement, car considéré comme un acte odieux et criminel, nous assistons à une “chasse aux sorcières’’ qui perdure depuis des décennies. Cette dernière, s’étant tour à tour, dirigée vers des publics différents.

Aujourd’hui, c’est sur sa plus grande richesse qu’elle s’est centrée; Ses propres enfants ! En effet, dans des cantons où abandonner sa progéniture, devient monnaie courante, parfois même, avec la complicité d’Eglises peu scrupuleuses. Nous nous interrogeons sur les facteurs pouvant motiver cet acte. “Enfants sorciers’’, abus de langage ou sorcellerie avérée ? Quel avenir pour cette génération sacrifiée ?!

Choc traditionnel et religieux

Pour mieux appréhender les rouages de ce phénomène, petit tour d’horizon sur un continent, qui regorge de richesses et de mystères. L’Afrique, ce vaste continent, subdivisé en deux parties, ne regroupe pas moins de 48 pays (îles comprises). L’Afrique du nord et l’Afrique subsaharienne (dite Afrique noire); Celle-ci, regroupe l’Afrique de l'Ouest, de l'Est, l’Afrique Centrale et Australe.
Avant l’émergence du christianisme, tel qu’on le connaît actuellement, ces régions comptaient une population majoritairement animiste. De tradition orale, la médecine se faisait par les plantes, et les chefs coutumiers gouvernaient chaque village. La science émanait des sages, et les ancêtres veillaient sur la généalogie.

L’animisme, du latin animus, originairement « esprit », puis « âme »; C’est la croyance en un esprit, une force vitale, animant les êtres vivants, les objets mais aussi les éléments naturels, comme les pierres ou le vent, ainsi qu'en des génies protecteurs. Ces âmes ou ces esprits mystiques, manifestations de défunts ou de divinités animales, peuvent agir sur le monde tangible, de manière bénéfique ou non.

L’essor des églises de Réveil, a permis la diffusion massive de La Bonne Nouvelle de notre Seigneur Jésus-Christ, sur le continent. Elles démontrèrent que ces traditions n’étaient en fait que des cultes rendus à des démons. Ce qui eut pour conséquence de créer des malédictions, des liens avec des esprits familiers… Loin de la protection divine recherchée au départ ! Avec nos connaissances bibliques, nous pouvons confirmer la pratique de la sorcellerie, dans l’ensemble de ces rites. Mais cette dernière a pris différentes formes et s’est infiltrée dans chacune des sphères de notre société. Ici, en l’occurrence dans les familles, et le corps du Christ.

Nous avons tous déjà vu, ou entendu des témoignages, concernant des enfants « possédés » par des esprits mauvais. Charge à chacun d’y croire ou non! Mais ce qui nous interpelle ici, c’est l’ampleur de ce phénomène sur le continent Africain touchant plus de bourgades.
En Afrique, accuser un enfant de sorcier est très grave ! Mais plus grave encore, sont les caractéristiques permettant de l’affirmer.

Au Bénin, un enfant né prématurément est un sorcier, idem pour celui qui se présente par le siège. En visionnant un reportage, nous avons été interpellés par le témoignage d’une mère adoptive qui a recueilli une jeune fille de 13 ans dans sa demeure car cette dernière eut la « malchance » d’avoir une dentition qui commence par la gencive du haut. La mère chercha à cacher cela mais, en vain ! À cette même période, des malheurs se sont abattus dans la famille. L’enfant a tout de suite été jugé coupable. De ce fait, son père tenta de l’empoisonner. Pour sauver son enfant la mère dut alors l’abandonner. Par nos recherches, nous comprîmes que l’adolescente est une miraculée, car beaucoup ne connaissent pas cette destinée. Des nouveau-nés ne répondant pas à des standards de normalité, sont livrés en proie à des animaux dans des cimetières, ou encore cognés contre un arbre, jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Au Burkina-Faso ou au Mali, les jumeaux ont toujours constitué un mystère, de par leurs relations, leur conception. Là-bas, « ils sont choyés et même un peu considérés comme des demi-dieux. » Tandis qu’en Afrique de l’Est ou au Sud, « […] ils suscitent une crainte très vive. Une crainte fondée sur le mythe qu’ils ont de très grands pouvoirs qui peuvent être utilisés à des fins maléfiques »; comme nous le stipule l’article paru dans Afrik.com.
À l’analyse de ces récits, nous ne pouvons que l’admettre; Malgré une très forte croyance en Dieu, la religiosité est parfois empreinte de tradition mêlant confusion et dérives.

Quand la plus grande sorcellerie, n’est [rien d’autre] que le fruit de notre ignorance

La Bible dit « Mon peuple est détruit parce qu’il lui manque la connaissance[…] » [Osée 4 v.6]. Nous, occidentaux, crions au crime en découvrant ces faits. Car nous réalisons que ces dérives sont liées à des préjugés d’un autre temps. Pour cause, une pauvre éducation et un non-accès à la science actuelle. Un enfant se présentant par le siège est explicable par la médecine. Mais dans ces pays où cette connaissance n’a pas traversé les villages ou certaines maisons, la mort des femmes dans ces situations, reste dans les mémoires et est transmise négativement.

Autre point, plus inquiétant encore, se révèle lorsque nos églises dites de “Réveil” maintiennent leurs fidèles dans un sommeil spirituel et un aveuglement intellectuel. Les conduisant à se séparer de leurs descendances.
Marabouts, féticheurs sont très souvent consultés pour leurs expertises. Mais au Congo, où ce phénomène a débuté, il y a près de 30 ans, les pasteurs et prophètes sont aussi mis à contribution. Ils deviennent ainsi responsables de nombreux abandons. Pourquoi ? Parce que la religiosité a pris le pas sur le bon sens. Dieu nous demande d’être sobre en toutes choses. Cependant, chez certains chrétiens « trop trop spirituels » (TTS), tout est affaire de démons !

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Dans le reportage, Les enfants Sorciers Du Congo, La Face Cachée Du Tiers Monde, le journaliste se rend au sein d’une église évangélique, à Mbujimayi (Congo, RDC).
Se déroulent des séances de délivrances succinctes. Assis sur une natte à même le sol, on peut apercevoir un jeune homme récitant de manière frénétique et saccadée des mots ou des phrases à peine compréhensibles. Un homme dont on ne connaît ni le statut, ni la fonction au sein de cette assemblée, écrit les dires de ce jeune homme en transe et prétend y déchiffrer la recette d’une potion permettant sa délivrance. Non loin de là, un fidèle nous assure que « Dieu est à l’oeuvre ». La scène semble surréaliste, mais pas pour les protagonistes, qui n’y trouvent aucun inconvénient.
« La réussite d’une délivrance repose sur la volonté de la personne possédée », nous témoigne un fidèle. Si elle est consentante, elle sera effective sinon « il ira au marché », cela signifie « quitter le monde normal ».

D’où viennent ces pratiques? Puisque nulle part, il est écrit dans le Nouveau Testament, de concocter des potions magiques, pour délivrer les démoniaques. Au contraire, « Voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru : en mon nom ils chasseront les démons; […] » [Marc 16 v. 17].
Qu’est-ce qu’un enfant sorcier ? À cette question, un pasteur un peu gêné répond en ces termes, à un journaliste, « C’est un enfant à qui on a transmis un esprit, on sait qu’il est sorcier parce qu’il est têtu, vole, ou fait des choses qui sortent de l’ordinaire ». Par définition, la sorcellerie est tout ce qui relève de « l’extraordinaire, l’inexplicable ». Jusque-là ces propos semblent fondés. Néanmoins, nous avons tous été confrontés à des enfants un peu têtus voire insolents. Sont-ils tous possédés pour autant? La psychologie, est aujourd’hui en capacité de nous éclairer quant aux comportements de nos bambins. Sans pour autant crier « Au diable ! » à chaque opposition de leur part. Mais encore une fois, tout est à prendre avec des pincettes. En tant qu’être spirituel nous ne pouvons tout rationaliser. Il serait donc avantageux d’observer et de demander au Saint-Esprit de nous dévoiler les choses cachées car lui seul sonde le coeur et les reins. Et sait parfaitement ce qui anime chaque enfant de Dieu.

Un avenir hypothéqué

Au cours de notre enquête, différents témoignages ont corroboré nos suspicions. Dans divers cas, la sorcellerie s’avère être un bouc-émissaire. Des parents abandonnent leurs enfants parce qu’ils ont des difficultés à s’en occuper. La pauvreté, les familles recomposées où le beau parent refuse de prendre en charge l’enfant de son conjoint par exemple, ou le handicap d’un enfant… Tant de prétextes qui peuvent pousser un parent à rejeter sa progéniture. Ces enfants, sont donc livrés à eux-mêmes, se retrouvent dans la rue, marginalisés, exclus de la population. Les filles se livrent à la prostitution et les garçons au banditisme. Vivant de passes et de larcins, chacun tente de survivre dans un monde qui ne leur fait pas de cadeaux. Leur avenir est incertain. Toutefois des structures d’accueil existent. Mais elles sont peu nombreuses, compte tenu du nombre de rejetons à sauver !

En définitive, bon nombre d’enfants disent être sorciers. Non parce qu’ils le sont vraiment, mais parce qu’ils sont manipulés, ou battus pour avouer leurs méfaits. Abattus, et pris au piège ils n’ont pas d’autres choix que d’accepter cette nouvelle identité et les conséquences qui en découlent.
Ces faits ne contredisent en rien à quel point le nom de Jésus-Christ est puissant, car tout un continent connaît son existence. Des milliers d’âmes sortent des ténèbres à travers Lui. Mais nous constatons également, qu’en son nom, beaucoup sont victimes d’amalgames et d’hérésies. C’est donc à nous, Eglise, que revient la responsabilité de s’interroger sur notre amour; notre compassion pour ces enfants dont l’avenir est condamné. Ou presque, car nous croyons en un Dieu, capable de tout.

Sonder les Ecritures puis avoir le discernement, sont capitaux dans notre marche avec le Seigneur. Car, tout au long de notre investigation, nous avons été fortement marqués par cette grande capacité à démasquer et dénoncer les sorciers. À contrario, peu d’élan dans nos églises pour soutenir ces âmes perdues. Leur démontrer un amour fort et tangible ! En effet, rien ne peut surpasser cela, même pas la plus grande sorcellerie.

Il existe bien quelques actions de soutien, qui restent timides, et peu adaptées à la situation. Quelle ironie, quand nous voyons des ONG catholiques, se montrant plus avisées, et empreintes à montrer de la compassion vis-à-vis de ce public.
Et si la sorcellerie s’était en fait infiltrée dans nos églises, se nourrissant de notre ignorance et de notre manque de perspicacité ?

La Rédaction

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