La Moïse Noire, Harriett Tubman, sera la nouvelle égérie des billets de dollars

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Une exhortation écrite par Yannick NILA

L’arrivée d’un président noir à la tête des USA aurait-il enfin aboli la culture ségrégationniste légendaire de cette nation ? A priori, Oui ! Circule de plus en plus dans les quotidiens de presse, une annonce réjouissante pour l’avenir d’un Vivre ensemble entre la communauté blanche et noire des Etats-Unis. Le 20 avril, Jack Lew, secrétaire au Trésor, annonça enfin, après un an de suspens, le prochain portrait ornant les billets américains. Le portrait d’une héroïne porteuse d’un message révolutionnaire, évangélique, libérateur, d’une persévérance à tous égards. Sortie prévue dans quatre ans.

Dans l’intérêt de rendre moins falsifiable les dollars, apparaîtra en 2020, sur les prochains billets de vingt dollars, le portrait d’ Harriett Tubman surnommée la Moïse Noire ou Grand-mère Moïse pour son rôle important dans l’abolition de l’esclavage. Une première pour une femme noire d’atteindre une telle reconnaissance sur tout le puissant continent. Prédestinée à apparaître uniquement sur les billets de Dix dollars, moins utilisés, soit à hauteur d’1,9 milliards seulement dans la circulation, son statut de leader à l’inspiration divine et farouche combattante d’un monde libre et égal, faisant front corps et âme à une politique esclavagiste et raciste à l’égard de la communauté noire, sera l’un des futurs égéries du billet de vingt dollars, beaucoup plus répandu, 8,6 milliards. Une véritable reconnaissance pour de nombreuses associations ayant pesé sur l’opinion publique des Etats-Unis pour mettre en avant le profil, atypique, d’Harriett Tubman.

Née entre 1820-25 dans le Maryland et décédée le 10 mars 1913 à New-York, la petite fille de Modesty, arrivée par navire négrier en provenance du Ghana, naquit de Rit sa mère, esclave chargée de la cuisine pour la famille Brodess et de son père Ben, superviseur de l’exploitation du bois sur une plantation. Elle est la septième d’une fratrie de neuf enfants, tous séparés, sous la gouvernance d’un maître blanc.
Pourquoi tant de détermination de la part de cette combattante pour un monde libre ? Tout viendrait du témoignage de la mémorable opposition de Rit contre des acheteurs d’esclaves voulant prendre son dernier fils qu’elle prit soin de cacher durant un mois. Celle-ci fit l’impensable, allant jusqu’à menacer de mort celui qui oserait lui prendre son fils. La vente fut dans l’obligation d’être annulée. Face à sa bravoure et sa folie, la rumeur de son courage ne manqua pas d’éloges. Les historiens s’accordent pour affirmer que ce caractère déterminé et combatif lui fut ainsi transmis par sa mère.

Harriett Tubman, une élue de Dieu pour libérer son peuple?

Avant d’être surnommée La Moïse noire, elle fut une esclave mise en location chez de nombreux maîtres, subissant des sévices quotidiens, inhumains. La petite histoire tristement célèbre raconte que jeune, elle reçut en pleine tête un poids de deux livres par erreur, destinés à un esclave ayant fui son lieu de travail, dont elle avait reçu l’ordre de surveiller. Un ordre qu’elle ne respecta guère. Crâne ouvert et inconsciente, ne valant pas un sou selon son propriétaire Bodress, Harriett fut remise au boulot deux jours plus tard sans aucun soin. La tête toujours ensanglantée. Résulte de ce grave traumatisme, des évanouissements constants et pire encore, des crises qui sembleraient être de nature épileptiques. Et cela, jusqu’à la fin de ses jours. Pourtant, cet incident pouvant être fatal ne fit qu’assoir et affermir une foi indéfectible, déjà naissante en Dieu. Harriett recevait régulièrement des songes et visions qu’elle attestait provenir de l’au-delà. Il est aussi raconté qu’un mouvement évangélique prenait de l’ampleur dans les plantations; les esclaves se réconfortaient dans l’histoire de Moïse, l’élu de Dieu faisant face à pharaon et toute sa gouvernance pour libérer le peuple juif, sous ordre du Seigneur. En effet, pour se rebeller contre une idéologie imposée par les esclavagistes se servant des écritures saintes pour façonner et soumettre leur conscience à une obéissance, les captifs trouvaient en l’histoire de Moïse, un moyen de croire en leur future liberté. En route vers un élan de spiritualité, Harriett s’inspire alors du personnage de Moïse, sa référence parfaite.

« L'Eternel dit à Moïse: Va vers Pharaon, et tu lui diras: Ainsi parle l'Eternel: Laisse aller mon peuple, afin qu'il me serve. » [Exode 8:1]

Cet ordre divin, la combattante se l’appropria. Faut-il encore que celle-ci soit libre. Vint alors la recherche de sa propre liberté, grâce à sa foi agissant dans les moments les plus oppressants de sa vie. Après son mariage avec un « homme libre », un ancien esclave, en 1844, elle tomba malade quatre ans plus tard. Toujours esclave pour le compte d’Edouard Brodess, elle fut remise sur le marché pour un nouvel acheteur en raison de sa valeur marchande en chute libre suite à son état de santé. Débute alors des prières envers le Père pour dissuader son maître de poursuivre la vente.
« Je priais chaque nuit pour mon maître, jusqu’au premier mars ; et durant toute cette période, il continua d’amener des acheteurs pour me jauger et tenter de me vendre ». N’étant pas exaucée, la combattante orienta différemment ses prières. « Je commençai à prier : Mon Dieu, si vous ne comptez pas changer le cœur de cet homme, tuez-le, et ôtez-le de mon chemin ». Dieu écouta-t-il la macabre prière dite dans le désespoir ? Les faits suivants le confirment. Une semaine plus tard, cet esclavagiste, père de huit enfants et époux d’une dénommée Elisabeth, décéda. Bouleversée, Harriett se repentit. Son sort s’empire. Pour rembourser les dettes de son défunt époux, Elisabeth se voit contrainte de revendre une partie de ses esclaves. Harriett s’enfuit, accompagnée de ses frères, sans son époux qui refusa de la suivre. Un échec. Vint sa deuxième évasion, seule, soutenue par quelques membres abolitionnistes appelées Quaker, à l’origine de plusieurs chemins et plans d’évasion pour le peuple captif, dont le fameux Underground Railroad (Chemin de fer clandestin). Le chemin qu’elle emprunta et qui sera par la suite la voie conduisant à la libération de milliers d’esclaves, grâce à son courage et son initiative. Après sa fuite réussie, elle s’engage à effectuer plusieurs aller-retours pour aider ceux restés sous les chaînes de leur maître. À commencer par sa propre famille. Un périple parsemé de victoire et de cruciaux échecs. Alors que la politique s’endurcit sévèrement à l’encontre des fugitifs, Harriett réussit à sauver quelques membres grâce aux scénarios de fuite digne d’un grand film hollywoodien. Cependant elle vivra des moments tragiques, le décès d’une de ses soeurs, Rachel, et la vente de ses neveux en 1859, alors qu’elle était en route, à ses risques et périls, pour les secourir. Mais encore, elle fit une escapade à haut risque sur son ancienne zone de captivité, le comté de Dorchester, pour sauver son mari. Quelle déception lorsqu’elle découvre que ce dernier s’est remarié, et refuse une nouvelle fois de la suivre.

Eclate la guerre de Sécession en 1861. Harriett, dorénavant esclave-libre, multiplie les oeuvres et le soutien aux soldats partis sur le front en tant qu’infirmière et cuisinière, sur les camps de Port-Royal. Les rumeurs disaient qu’à base de plantes, elle soigna les cas les plus graves dont des malades atteints de variole, sans jamais être contaminée. Des témoignages qui ne font qu’attester la nature divine que possédait la militante. Cinq ans après la perte de sa soeur, le légendaire Lincoln met en route la proclamation d’émancipation, rendant tous les esclaves d’une partie du territoire américain, libres. Une première victoire pour Harriett et les autres combattants qui unirent leurs forces en élaborant des plans de guerre pour détruire les plantations et libérer les esclaves.

« Une fois à terre, les troupes de l'Union mirent le feu aux plantations, détruisant les infrastructures et saisissant des milliers de dollars de denrées alimentaires et de fournitures. Alertés par les sifflets des bateaux à vapeur, les esclaves de la zone affluèrent vers la rive ; les propriétaires qui, armés de pistolets et de fouets, tentèrent d'arrêter leur fuite furent rapidement submergés par la masse des fuyards qui embarquèrent par centaines. Tubman rapporte n’avoir « jamais vu un tel spectacle » ; elle décrit une scène de chaos où se mêlaient des femmes portant des pots de riz encore fumant, des cochons couinant dans des sacs portés en bandoulière et des bébés accrochés au cou de leurs parents. Alors que les troupes confédérées convergeaient vers les lieux, les bateaux à vapeur surchargés d'esclaves prirent la direction de la ville de Beaufort »

Combattante révolutionnaire, Harriett embrassera le militantisme féministe

Après la guerre de Sécession, madame Tubman, embrasse un autre combat. En plus d’être militante pour les droits des Afros-Américains, elle le sera aussi pour les droits des Femmes. Dénonçant le manque d’inégalité, elle se battra auprès de femmes blanches,

Susan B. Anthony, grande militante des droits civiques et co-fondatrice de la National Woman Suffrage Association et Emily Howland, farouche partisane de l’éducation des femmes et des enfants afro-américains. Voyageant entre New-York, Boston et Washington, elle participa à des conférences traitant du sujet des droits féminins, bafoués. Un dernier combat qu’elle mena jusqu’à la fin de sa vie. En effet, après des années de dur labeur, sa santé prit naturellement un coup. Vint le jour du repos en 1913 dans une maison d’assistance afro-américaine qu’elle co-fonda, établit près de son domicile familial, grâce aux revenus de ses livres autobiographiques et mémoires. Des obsèques nationaux et honneurs militaires accompagnèrent ses funéraires. Une commémoration en sa mémoire tous les 10 mars, assoie sa légende.
Une légende qui prendra une envergure mondiale lors de l’apparition de son visage portant les traits d’une vie de sacrifice, sur tous les billets de 20 dollars.

Un tournant historique, signe du brisement des barrières ethniques dans la conscience collective américaine? Il était temps ! En effet, deux autres femmes noires seront imprimées sur les billets de 5 et 10 dollars, une ex-esclave devenue abolitionniste, Sojourner Truth, et la première chanteuse afro-américaine se produisant sur le Metropolitan Opera, Marian Anderson.
Une nouvelle ère se lève. Une harmonie prétend voir le jour dans cette atmosphère mondiale sujette à des conflits, non plus ethniques ou territoriaux mais inter-confessionnels. Ainsi l’héritage spirituel des anciens fervents défenseurs d’un monde meilleur, s’inspirant des personnages bibliques, fait surface dans notre ère si corrompue. Ils sont nombreux. Inévitablement, nous penserons à Martin Luther King, pasteur, au destin incroyable, s’étant pleinement approprié les caractères du Christ pour jouer un rôle déterminant dans l’histoire de la communauté noire américaine. Un combat spirituel et physique qu’il mena pour rassembler les peuples noirs et blancs, un sens du sacrifice bouleversant encore à ce jour, le monde entier. Que Dieu soit loué.

La Rédaction

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