L’Arabe, langue du paradis ? Nouvelle polémique autour d’une enseignante algérienne

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Une exhortation écrite par Yannick NILA

Elle s’affirme et ne regrette rien mais pourtant Sabah Boudras, une enseignante d’origine algérienne vient de créer une vive polémique sur la toile, touchant même les politiques de son pays. Ravivant par la même occasion les tensions entre réformistes et islamo-conservateurs. Et ce, alors que le pays brûle en plein débat sur la place de l’arabe classique à l’école. A-t-elle confondu idéologie et pédagogie ? C’est bien ce qu’en déplorent certains. Tandis que d’autres saluent son discours pour le moins affirmé.

La rentrée scolaire aura été marquée par diverses réformes et pas seulement en France. En Algérie, nous assistons, comme suscité à un débat plus que houleux entre modernes et conservateurs. Pas de place à la laïcité, l’Algérie est musulmane et ses valeurs constituent un point d’honneur à sa société.
C’est dès la rentrée, que l’institutrice, d’une école située dans la petite ville de Barika à 250 kilomètres au sud-est d’Alger, décida de donner le ton de cette nouvelle année scolaire. Dans une vidéo postée sur Youtube, Sabah Boudras, voilée d’un hijab noir s’est filmée au premier plan devant ses élèves, tous en train de scander telle une hymne.

“A qui revient la volonté? C’est la volonté de Dieu. Quelle est la langue la plus riche? C’est l’Arabe. Cette année ma langue de travail sera…? L’Arabe ! Quelle est la langue aimée de Dieu? C’est l’Arabe ! Quelle est la langue des gens au paradis? C’est l’Arabe! Ma langue sera la langue arabe et je ne m’exprimerai qu’en cette langue ! La langue arabe est la langue la plus riche de toutes les langues.”

Vous l’aurez compris, l’enseignante, fait dignement l’éloge de la langue arabe. Autant dire, qu’elle dévoile sans honte sa position dans le débat. Tout en précisant le programme riche de cette année, notamment pour ses élèves, à savoir les valeurs primordiales que sont l’honnêteté, l’amour du prochain, l’entraide, la persévérance et l’espoir.
Et elle plaît. Lorsque l’on voit sur Twitter, circuler le hashtag #NoussommestousSabahBoudras accompagné de commentaires tels que “Que Dieu te bénisse, ce que tu fais est pour le mieux, tu mérites le poste de ministre de l’Education, merci à toi, tu as tout mon respect et je te souhaite le meilleur dans ta carrière” ou encore “une grande campagne de solidarité dans les pays frères avec l’enseignante”.

Mais première piquée par cette affaire, la Ministre de l’Education, Nouria Benghebrit. “Nous venons de voir à travers Facebook, de jeunes enseignantes faisant des selfies et parler avec leurs élèves, en leur tournant le dos”, a-t-elle déclaré avant de préciser qu’il y aurait une enquête et une commission de discipline.
Il faut dire, qu’en plein coeur de cette polémique, la Ministre de l’Education ne fait guère l’unanimité. Elle, qui depuis 2014, tente, tant bien que mal de réformer le système éducatif algérien. En renforçant l’apprentissage du français et de l’anglais, en intégrant la langue maternelle le derija - un mélange d’Arabe, de français et de Berbère - à l’école et en mettant en place le préscolaire, jadis proposé uniquement par les écoles coraniques. Tous ces nouveaux points réunis plongèrent Mme Benghebrit dans la disgrâce des conservateurs, farouches opposants à la langue française, synonyme du joug colonisateur.

Bien heureusement, la Ministre ne fait pas que des irrités. A en croire la page Facebook de soutien intitulée : “Soutenons Nouria Benghebrit“.
“Bravo à vous Madame, ne cédez pas aux menaces des intégristes, sauvez nos enfants, nos petits-enfants, nous comptons sur vous et sommes optimistes pour que l’école algérienne forme des enfants ouverts à la modernité et à l’éducation universelle pour en faire des futurs citoyens et non des zombis”, peut-on y lire.
De même, Abdou Semmar, chroniqueur de la chaîne Algérie-Focus, qui a relayé l’information a, lui aussi, interpellé l’enseignante, jadis présentatrice pour la chaîne Al-Atlas TV, mais d’un ton plutôt ironique. “Je m’incline devant votre volonté de donner le meilleur de vous-même à nos enfants. Votre charme nous fait oublier le climat austère qui étouffe notre école. […] De grâce, gardez votre bonhomie et motivation, mais ne vous méprenez pas.” Avant de poursuivre plus sévèrement : “Je suis un fervent défenseur du patrimoine arabe et de son apport à l’identité nationale. Cependant, contrairement à vous, je garde ma lucidité : il n’y a aucune langue privilégiée au paradis. Je vous suggère, d’ailleurs de laisser le paradis aux imams et autres théologiens.”
Il y dénonce clairement une frontière entre le sacré et l’éducation que l’enseignante s’attèle dangereusement à franchir.
Une haine de l’Occident qui malheureusement inquiète au plus haut point, principale valeur plébiscitée par l’islam radical, qui s’est illustré par des oeuvres pire que meurtrières.

“Vous n’êtes pas sans ignorer que toutes les nouvelles découvertes scientifiques contemporaines sont enseignées dans les langues occidentales. Vous avez le droit de ne pas aimer l’Occident, cependant, vous n’avez pas le droit de minimiser ses avancées technologiques. Vous n’avez, surtout, pas le droit de priver nos enfants de ce savoir précieux. Ne posséder qu’une seule langue, même si c’est celle du paradis, est une façon de fermer les horizons du futur à nos enfants”, rappela M. Semmar.

De marbre, Sabah Boudras se défend en expliquant que ses intentions sont nobles et nie tout endoctrinement.
Il faut avouer que sa position d’enseignante face à un auditoire si peu âgé laisse tout de même présager un certain prosélytisme. Pour un islam qui ne se lasse guère de vouloir s’imposer comme la seule religion au monde.
Qui plus est, comment assimiler une langue terrestre à un royaume céleste, dont les mystères demeurent entiers?

La Rédaction

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